Au-delà de l'affichage, les vrais enjeux et leviers de la GEPP

La GEPP, pour Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels est un dispositif d’abord mis en place par des accords nationaux interprofessionnels, le premier en 2008 (on parlait alors encore de GPEC pour Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences), et un second en 2013, assorti en parallèle d’une obligation légale d’un plan triennal sur le sujet faisant l’objet d’une information/consultation du CSE ou d’un accord d’entreprise.
Le sujet vise deux dimensions qui ont vocation à être équilibrées par le processus : les enjeux d’adaptation qualitative et quantitative des compétences de l’entreprise à cet horizon de trois ans et ceux des parcours professionnels des salariés.
Si l’équation peut avoir l’air simple sur le papier, elle est plus complexe dans la réalité pour ce qui est d’une véritable prise en compte et au même niveau de ces deux objectifs, avec la mise en place des justes compromis pour y parvenir.
Les trois piliers classiques de la GEPP sont le recrutement, la mobilité et surtout la formation, les trois se devant être la résultante, la déclinaison la plus cohérente des objectifs affichés.
Un premier enjeu est donc que ces objectifs soient clairs, c’est-à-dire eux-mêmes la résultante d’un travail de l’entreprise sur l’évolution de ses besoins, en lien avec ceux de ses métiers, de ses produits et services, de son marché, de ses ambitions de développement ou au contraire ses nécessités de recentrage.
La qualité du maillage entre la vision des « opérationnels » des métiers et leurs fonctions supports est une des étapes fondamentales. Elles supposent des seconds une compréhension et une appropriation des enjeux métiers comme elle suppose des premiers une compréhension des mécanismes RH qui pourront n’y répondre avec le niveau d’adéquation attendu que dans une démarche très anticipative. D’autant que sans s’opposer, les deux parties concernées peuvent avoir naturellement un penchant premier, une fenêtre d’approche, sinon inverse en tout cas différent : les métiers plutôt tournés vers les besoins de compétences de l’entreprise, les fonctions RH plutôt tournées vers la gestion des effectifs et donc des parcours professionnels des salariés.
Aucun des deux n’a de vision parfaite et conserve une marge d’erreur : sur la réalité des besoins, leur importance, en matière de compétence, pour les premiers, sur l’efficience du processus de recrutement ou de la politique formation pour les seconds. D’où l’importance que la GEPP ne soit pas qu’un rendez-vous triennal mais bien un processus continu, permettant les ajustements et réajustements au fil de l’eau. Quand on parle de plus en plus souvent de « business partners », concernant les fonctions RH, c’est bien de cela qu’il s’agit : non pas qu’ils deviennent spécialistes de la technicité des produits et services mais qu’ils en suivent et en comprennent les enjeux, de par leur proximité avec le management. Ce qui suppose, mais c’est un autre sujet, qu’ils puissent consacrer le temps effectif nécessaire à cette proximité sans être noyés par les tâches du quotidien, la gestion des aléas et les multiples sollicitations des « priorités » de la gestion court terme.
Si cette approche est importante, elle ne suffit pas pour gommer les écarts entre l’optimisation des emplois pour l’entreprise et celle des parcours pour les salariés. Le dialogue social doit donc également être une étape clef du dispositif et notamment, le rôle du CSE autre chose plus qu’un simple effet miroir, une caisse d’enregistrement ou une contestation de principe mais dont on connaît l’issue. Le dialogue social doit permettre une vraie prise en compte des attentes du terrain, prise en compte n’ayant jamais voulu dire intégration de toutes les demandes, mais de celles qui peuvent l’être et de motivation de celles qui ne le peuvent pas.
La GEPP peut devenir un axe d’autant plus important à l’observation des phénomènes actuels, de grandes démissions, de turn-over, de difficultés à recruter et à fidéliser. Quand les efforts autour de la « marque employeur » peuvent céder à la tentation de l’affichage, sans tromper grand monde, une vraie politique de gestion des emplois et des parcours professionnels, affichée parce que lisible et surtout mise en œuvre, peut (re)devenir un atout important de l’attractivité de l’entreprise.
Yves Pinaud - Mars 2023