Management : comment éviter la récession ? 
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Depuis des années et variant au gré des modes, le management a été mis à toutes les sauces, pour exprimer conjointement des savoir-faire dans le domaine du pilotage de projets et/ou des savoir-être de leadership en matière d’animation d’équipes, et d’ailleurs, de plus en plus, rattachées ou non hiérarchiquement. Le tout saupoudré, ici et là, d’attendus en techniques de communication mais aussi en préoccupations et donc en veille de qualité de vie au travail, bienveillance à l’appui.

On n’en a souvent moins pointé les pouvoirs et responsabilités découlant du statut de représentant de l’employeur, dans les équilibres à garantir durablement entre la juste posture d’autorité sur les exigences du travail attendu et les vigilances sur les limites, fixées par le salariat, à respecter sur ces mêmes exigences.

Mais aujourd’hui, de nombreuses évolutions, dont certaines se sont accélérées ces dernières années, viennent questionner ce que « manager veut dire » et nécessitent à la fois des clarifications mais également de nouvelles réponses.

Quelles sont ces évolutions ?

Il y a les nouvelles formes d’organisation du travail, beaucoup plus matricielles et transverses, qui privilégient davantage, dans la prescription effective du travail, la relation fonctionnelle sur la relation hiérarchique, avec parfois même le risque d’une totale déconnexion de cette dernière avec le travail réel. La perte de repère des managers eux-mêmes qui en résulte, sur cette dimension de leur fonction, les conduit à un désengagement, une sorte de « quiet quitting managérial », dans laquelle le rôle d’incarnation de la direction, et en corollaire de responsabilité employeur, n’est plus leur priorité. L’éclatement géographique des équipes et le télétravail ne concourent évidemment pas à résorber cette tendance.

S’y ajoute le turn-over grandissant des managers, qu’ils changent d’entreprise ou évoluent au sein d’une même structure et dont les défis premiers sur chaque poste, au regard de leur propre parcours et trajectoire, les conduit également à privilégier la réussite sur les enjeux techniques et économiques sur les enjeux managériaux et sociaux.

L’évolution des attentes et comportements au travail des collaborateurs ne leur rend la tâche, ni plus facile, ni plus attractive : la tendance grandissante des salariés à vouloir négocier en permanence leurs contraintes vie au travail/vie personnelle, leur propre turn-over et leur moindre attachement à l’entreprise et à son projet sont autant d’obstacles à un lien et une relation managériale forte et reconnue.

Ce glissement des relations managers/collaborateurs vers un contenu souvent de plus en plus flou (et donc d’autant plus élastique), des règles incertaines (ou adaptées à loisir selon les besoins de l’entreprise ou du salarié), une relation moins interactive parce que plus distendue (télétravail), ou au contraire totalement encadrée et normée (cascades quotidiennes de reporting), sont autant de perte du cadre, du sens et donc de l’acceptation, de part et d’autre, d’une relation manager/managés.

Les recettes, à défaut d’être magiques, sont celles qui ont toujours définit la compréhension, l’acceptation et l’efficacité de cette relation et qui sont à reconstruire dans beaucoup d’entreprises :

  • Le repositionnement et la clarification de la prescription, avec ses attendus qualitatifs et quantitatifs, leur conformité à une feuille de route connue, discutée et partagé (fiche de fonction, entretien annuel) ;
  • La précision de la délégation et la capacité des managers, à la fois de la mettre en œuvre et d’en conserver le contrôle, pour qu’elle ne soit synonyme, ni d’indépendance, ni d’abandon mais bien de clarté de l’espace d’autonomie, qui ne se conçoit comme tel que dans un cadre d’échanges aussi permanent que nécessaire pour apporter les soutiens et le cas échéant les corrections qui s’imposent.

Cela suppose non seulement que les managers aient les formations adaptées à ces approches mais aussi et d’abord qu’ils en aient eux-mêmes cette perception de leur rôle et qu’ils n’en soient pas, au quotidien, empêchés par l’organisation elle-même et y compris par leur propre hiérarchie avec des injonctions incompatibles voire contradictoires à ces attendus.

Il n’y a donc management des équipes que s’il y a d’abord management du management, c’est-à-dire une fixation et un pilotage par le haut (les directions) des attendus et des cadres prescrits aux différentes strates mises en place et avec un niveau d’exigences qui n’ait pas vocation à s’effacer ou à passer au second plan dès lors qu’il devient moins confortable pour répondre aux enjeux technico-économiques. La période n’étant pas à ce que ces derniers enjeux garantissent le présent et l’avenir d’un long fleuve tranquille pour les entreprises, ce positionnement du management n’est possible qu’avec la conviction partagée, à tous les étages, que la gestion des femmes et des hommes de l’entreprise est la première de toutes les conditions de réussite moyen et long terme et que toute approche plus court-termiste ne construit d’avenir pour personne.

Yves Pinaud - Décembre 2022