Le (toujours) difficile positionnement de la fonction RH
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On a pensé exprimer un progrès en parlant des « directions des ressources humaines ». Si cette dénomination a effectivement pu marquer une plus grande bienveillance que ne l’exprimait « le personnel », en évoquant la dimension « humaine », elle l’est nettement moins dans la dimension « ressource ». Une ressource signifiant non pas une fin mais un moyen au service d’autre chose, la ressource humaine en est donc une, comme les autres, que toute entreprise bien gérée se doit d’abord d’optimiser pour poursuivre sa finalité. Cette finalité peut-être le profit dans l’économie marchande ou le social (ou l’humanitaire) dans l’économie dite solidaire, mais elle n’est dans tous les cas pas l’optimisation des intérêts du « personnel » auquel elle a recours pour cela.

Ce petit jeu sémantique est en réalité tout à l’image des difficultés de positionnement de cette fonction, à la fois « support » et en même temps gardienne des règles du jeu, notamment au regard des abus qui pourraient être commis dans l’utilisation de cette ressource et dont le droit du travail fixe les limites.

Elle doit donc faire autorité mais sans disposer d’un véritable pouvoir, étant elle-même en subordination de directions générales dont les priorités et les arbitrages peuvent être tentés de favoriser les attentes des lignes hiérarchiques, dont la mission est plus clairement tournée vers l’atteinte des objectifs économiques, auxquels le social, avec ses exigences et ses limites, peut représenter un obstacle. 

Cet obstacle se dépasse surtout dans des discours et/ou des actions dont les effets concourent le plus souvent à noyer le poisson : en formant les managers aux techniques comportementales leur permettant d’embarquer tout le monde vers une réussite collective qui gommerait toute différence d’intérêt entre l’économique et le social, ou en formant les RH à devenir des « business partners », les conduisant à faire le même chemin dans l’autre sens pour atteindre la meilleure conciliation possible entre les enjeux de compétences de l’entreprise et les perspectives de parcours professionnels. 

 Si rien de tout cela n’est totalement faux ou illusoire, en tant que démarche visant la meilleure conciliation possible des intérêts de toutes les parties prenantes, ce sont les conditions pour une traduction dans la réalité qui sont le plus souvent loin d’être réunies. Parce que cela suppose un partage beaucoup plus important qu’aujourd’hui, dans les têtes et dans les faits et dans toutes les strates de l’entreprise et à commencer par les directions, que s’il est évident qu’on ne peut répondre aux attentes de l’humain si on ne satisfait pas à la contrainte économique, l’inverse n’est pas moins vrai. Ce qui supposerait en amont de reconnaître à la fonction RH la même autorité pour répondre aux attentes du facteur humain qu’il est reconnu aux opérationnels de défendre les enjeux économiques. 

 

  Yves Pinaud - Décembre 2021