Représentation du personnel : silence, on tourne (en rond)
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Alors qu’à l’approche des élections présidentielles, le débat politique fait rage et nous martyrise les oreilles à défaut de nous éclairer le cerveau, force est de remarquer que dans les entreprises, les organisations syndicales comme les CSE sont majoritairement d’un silence assourdissant. 

D’aucun penseront, évidemment plutôt côté employeur, que c’est plutôt une bonne nouvelle que semble se terminer cette époque des luttes et des combats politiques importés dans l’entreprise en lieu et place d’une véritable volonté de recherche de compromis. Mais on ne perçoit guère aujourd’hui que cette disparition progressive (il reste quand même quelques villages gaulois ici ou là) d’une culture et donc de postures d’opposition systématique se transforme réellement en posture de volonté de co-construction des compromis. On a plutôt l’impression que ça se transforme en rien du tout. 

Les ordonnances Macro ont-ils eu la peau des pratiques d’avant ? En était-ce d’ailleurs l’intention, non affichée évidemment ?

Elles n’ont pas aidé, c’est clair, à ce que le dialogue se refasse une santé qui était déjà bien chancelante mais probablement n’ont-elles fait qu’accélérer et apporter le coup de grâce à des phénomènes déjà bien engagés.

Dans un premier temps et au-delà des approximations, confusions et risques de gloubi boulga résultant de la fusion de toutes les prérogatives dans une seule instance, il est évident que ses ordonnances sont arrivées au moment d’un important « papy-boom » des militants du monde d’avant, très souvent remplacés (ou plutôt pas remplacés, justement) par des « primo-mandatés » beaucoup moins investis voire convaincus, non pas de l’intérêt des causes à défendre, mais des engagements voire des risques à s’engager pour cela. Le collectif n’est plus ce qui l’était et le sens du sacrifice de l’individu pour le collectif encore moins. S’il y a de moins en moins de risques à prendre un engagement, syndical ou d’élus, en tous cas dans les entreprises que nous fréquentons, au sens de s’exposer aux représailles patronales, la conciliation entre exercice du mandat et carrière professionnelle reste toujours compliquée et n’est pas garantie, loin s’en faut, par les seuls « entretiens de début de mandat ».

Or, aujourd’hui, on a surtout le sentiment (et le constat, un peu, quand même) que côté patronal, ces nouvelles postures de représentation conduisent à en profiter pour faire des élus une chambre d’écho, vis-à-vis de laquelle et de manière irréprochable (juridiquement), les obligations d’informations au kilo sont respectées au mois le mois, évitant d’autant les débats de fonds.

Les sujets ne manquent pourtant pas mais qui supposent, sans remettre en cause le pouvoir patronal, que les politiques et projets de la direction soient « challengés » par les représentants du personnel. D’autant que ce ne sont pas que des sujets de mécontentement ou de revendication, ce sont aussi tous les enjeux de conciliation entre les intérêts des différentes parties : les modalités de mise en œuvre des incessantes réorganisations, les nouvelles modalités de travail, dans l’entreprise ou à distance, les enjeux de formations et de carrières, la qualité de vie au travail, etc. 

Le dialogue qui consiste à ne transmettre que des informations descendantes, aussi transparentes et honnêtes fussent-elles (mais ç’est déjà ça) n’est pas le dialogue. C’est comme applaudir d’une seule main, on se lasse et on peut finir par avoir envie de taper du pied. Un dialogue apathique n’est pas davantage source de compromis qu’un dialogue conflictuel et il devient souhaitable, côté salariés, que de nouveaux combattants s’engagent pour sauver l’apathie.

Yves Pinaud - Décembre 2021